A l'attention de ceux qui veulent toujours se projeter dans l'avenir (vivement quand je serai grand, vivement les vacances, vivement la retraite... ) voici un petit conte trouvé dans le livre que m'a prêté ma copine Marie-France ( Le moine qui vendit sa Ferrari ) :
« Quand j'étais un jeune garçon, mon père me lisait un conte intitulé Pierre et le fil magique. Pierre était un garçon très enjoué. Tout le monde l'aimait : sa famille, ses professeurs et ses amis, mais il avait une faiblesse.
-- Laquelle ?
— Il ne parvenait pas à vivre dans le présent. Il n'avait pas appris à apprécier les petits plaisirs quotidiens. Lorsqu'il était à l'école, il rêvait qu'il jouait dehors. Lorsqu'il jouait dehors, il rêvait des grandes vacances. Pierre rêvait constamment, les yeux grands ouverts, et ne prenait jamais le temps de savourer les instants exceptionnels qui ponctuaient ses journées. Un matin, Pierre se promenait dans une forêt près de sa maison. Se sentant fatigué, il décida de se reposer sur l'herbe et finit par s'endormir. Après quelques minutes d'un profond sommeil, il entendit une voix aiguë l'appeler par son nom. Il ouvrit lentement les yeux et fut surpris de voir une étrange femme le regarder. Elle devait avoir plus de cent ans et ses cheveux d'un blanc pur comme la neige pendaient le long de ses épaules comme une couverture de laine emmêlée. Sa main ridée tenait une pelote d'un interminable fil doré.
« "Pierre, dit-elle, ceci est le fil de ta vie. Si tu le tires légèrement, une heure passera en quelques secondes. Si tu le déroules un peu plus, des journées entières s'écouleront en quelques minutes. Et si tu tires de toutes tes forces, des mois et même des années passeront en quelques jours." Pierre s'empressa d'emporter la pelote que la vieille femme lui tendait.
« Le lendemain, en classe, Pierre était agité et s'ennuyait. Il se rappela soudain son nouveau jouet. Il tira sur le fil d'or et se retrouva en un instant chez lui à jouer dans le jardin. Prenant conscience du pouvoir qu'il détenait, il fut bientôt fatigué d'être un enfant et eut envie de passer à l'adolescence, persuadé que cette nouvelle étape se révélerait plus amusante.
« Dès qu'il eut tiré un morceau de fil assez important, il se retrouva accompagné d'une très jolie jeune fille nommée Élise. Mais Pierre n'était toujours pas satisfait. Il n'avait pas appris à apprécier les plaisirs simples qu'offrait chaque étape de la vie. Il tira donc encore sur le fil et plusieurs années passèrent en un instant:. Il s'aperçut alors qu'il était devenu un adulte d'âge mûr. Élise était devenue sa femme et Pierre était entouré d'une nichée d'enfants. Mais il remarqua autre chose. Sa chevelure, jadis d'un noir de jais, commençait à devenir grise. Et sa mère, qu'il aimait tendrement, n'était plus la jeune femme qu'il connaissait, mais une vieille femme fragile. Pourtant, Pierre ne pouvait toujours pas vivre dans le présent. Il tira une fois de plus sur le fil magique et attendit que les changements apparaissent.
« Il devint rapidement un homme de quatre-vingt-dix ans. Son épaisse chevelure noire était maintenant aussi blanche que la neige ; Élise était morte quelques années plus tôt. Ses enfants avaient grandi et quitté la maison pour mener leur vie. Pour la première fois, Pierre se rendit compte qu'il n'avait jamais pris le temps d'apprécier les plaisirs de l'existence. Il n'était jamais allé à la pêche avec ses enfants. Il ne s'était jamais promené au clair de lune avec Élise. Il n'avait jamais planté de fleurs dans un jardin ou lu ces livres que sa mère aimait tant. Il avait brûlé sa vie.
« Cette prise de conscience l'attrista beaucoup. Il décida d'aller dans la forêt où il avait l'habitude de se promener lorsqu'il était enfant pour s'éclaircir les idées et se réchauffer le cœur Comme il s'avançait, il remarqua que les arbrisseaux de son enfance étaient devenus de grands chênes majestueux. La forêt tout entière semblait métamorphosée. Il s'étendit sur l’herbe d’une clairière et s'endormit profondément.
« Après quelques minutes, une voix aiguë résonna à ses oreilles. À sa grande surprise, la vieille femme qui lui avait donné la pelote de fil magique de nombreuses années auparavant se tenait devant lui. "As-tu aimé mon cadeau ?" demanda-t-elle.
« "Au début c'était amusant, répondit-il franchement, mais j'ai compris maintenant qu'il était empoisonné. Ma vie a défilé devant mes yeux sans que je puisse en goûter le moindre instant. J'ai vieilli sans rien connaître de l'existence. Je me sens vide."
« "Tu es ingrat, reprit la vieille femme. Pourtant, je vais t'accorder un dernier souhait."
« Pierre réfléchit un instant avant de répondre : "J'aimerais revenir au temps où j'étais un jeune écolier et reprendre le fil de ma vie."
« Aussitôt après avoir prononcé ces mots, Pierre se rendormit. Une voix le tira de nouveau de son sommeil quelque temps plus tard. Lorsqu'il ouvrit les yeux cette fois-ci, il trouva sa mère près de son lit. Elle était jeune, en bonne santé et rayonnante. Il comprit que l'étrange magicienne de la forêt avait exaucé son vœu et l'avait rendu à sa vie antérieure. Il débordait de joie.
« "Dépêche-toi, Pierre, lui dit sa mère, il est l'heure de se lever. Tu dors trop. À force de rêver, tu vas te mettre en retard pour l'école." Ce matin-là, Pierre se précipita hors de son lit, décidé à profiter de chaque instant de la magnifique journée qui s'annonçait. Il cessa dès lors de sacrifier le présent à l'avenir et vécut avec intensité chaque moment d'une existence riche et heureuse.
— C'est une belle histoire, admis-je.
— Malheureusement, John, Pierre et le fil magique n'est qu'un conte de fées. En réalité, nous n'aurons jamais une deuxième chance. La vie que nous menons est la seule occasion qui nous est donnée de nous éveiller aux splendeurs de notre monde et d'apprécier le cadeau de l'existence. Rappelle-toi que le temps perdu ne revient jamais. Cette journée qui débute doit marquer un tournant dans ta vie. Tu dois prendre aujourd'hui la décision de te concentrer sur ce qui importe pour toi, sur ce qui donne un sens à ta vie. Lance-toi. Fais les choses que tu as toujours eu envie de faire. Escalade cette montagne que tu as toujours eu peur d'affronter et ranime les joies de ton enfance. Cesse de remettre à plus tard le moment d'être heureux par crainte de faire les mauvais choix. Savoure le cours de la vie.