Il n'est pas « tombé dans la marmite » quand il était petit. Ou pas tout à fait. « Mes parents ne sont pas
plus musiciens que ça », sourit Alexandre Jung. Son grand-père, en revanche, a dirigé la batterie-fanfare de Haguenau, et son oncle une harmonie à Weyersheim. Quand, à 6 ans, ses parents lui proposent de faire du sport ou de la musique, il opte donc pour la clarinette. Et accroche illico. Après des débuts à l'école municipale de Musique de Haguenau - où il suit également des cours de piano -, il intègre à 12 ans le conservatoire de Strasbourg.
« En tant que chef, j'ai toujours eu la chance d'avoir un orchestre pour m'exprimer »
« A un moment, j'ai eu un déclic, se souvient Alexandre Jung. J'aime beaucoup mon instrument, mais j'ai eu envie de plus. J'ai senti que je m'épanouirais davantage en dirigeant. » Il poursuit alors de front son apprentissage de la clarinette et de la direction d'orchestre, à Strasbourg puis au conservatoire d'Esch-sur-Alzette au Luxembourg, et collectionne les distinctions : accessit en direction d'orchestre, premier prix en clarinette, premier prix en musique de chambre, première mention en orchestration, diplôme d'aptitude à la direction des sociétés musicales, à chaque fois avec la mention très bien. Alexandre Jung a fait de la musique sa vie.
Il conclut sa formation supérieure à Paris et devient lauréat à l'unanimité du diplôme de direction d'orchestre. Mais directeur d'orchestre, il l'est déjà : depuis l'âge de 16 ans, il est à la tête de l'ensemble musical de la Moder à Schweighouse, avec lequel il s'est produit un peu partout en France et à l'étranger. En plus, il se produit en tant qu'instrumentiste (notamment avec le quatuor de clarinettes Ebony), enseigne à travers le Bas-Rhin et dirige depuis 2002 - il a alors 19 ans - l'école de musique du canton de Niederbronn-les-Bains qu'il a fait passer de 140 à plus de 250 élèves.
Le jeune homme semble infatigable. « En fait, j'ai une passion dévorante pour la musique, résume-t-il simplement. Adolescent déjà, j'avais plus de disques d'harmonies que de groupes pop. Et j'ai surtout fait de belles rencontres dans le monde amateur, qui m'ont permis de grandir beaucoup et rapidement. Un musicien a son instrument. Un chef, en revanche, est bien avancé tout seul dans sa chambre avec sa baguette... Il lui faut un orchestre pour s'exprimer : j'ai toujours eu cette chance. »
Alexandre Jung a une inclination particulière pour les orchestres à vent. Et un esprit d'entreprise impressionnant. « Je suis curieux, je n'aime pas la routine. J'ai toujours besoin de m'investir dans de nouveaux projets. » Le dernier en date, le festival Vents du Nord, organisé le dernier week-end de juin à Niederbronn-les-Bains, a permis au public de mesurer la variété et la vitalité des orchestres d'harmonie.
Et d'admirer le brio de la Musique de la Police nationale, dont Alexandre Jung vient de prendre la direction. Il a pris ses fonctions à la tête des 140 musiciens professionnels de la batterie-fanfare et de l'harmonie en mars, après avoir brillamment réussi le concours qui lui permet de disposer d'un statut professionnel. La Musique de la Police nationale intervient notamment lors des cérémonies protocolaires.
« J'ai envie de développer une politique de précurseur dans le répertoire »
Mais à côté de ces figures imposées, le « chef de musique » dispose d'une totale liberté pour mettre sur pied des programmes originaux joués par l'harmonie qu'il dirige en concert. « Avec ces excellents musiciens, tout va plus vite. J'ai envie de développer d'une part une politique de précurseur dans le répertoire, en jouant notamment des pièces de compositeurs contemporains qui écrivent spécifiquement pour les orchestres à vent, et d'autre part les interventions en milieu scolaire, dans les quartiers difficiles par exemple. Tout ce qui est bon pour la musique et l'image de la police, je prends. »
Alexandre Jung partage aujourd'hui son temps entre Paris et Haguenau où il habite toujours - « et le TGV ! », complète-t-il en riant. Tout en gardant un pied dans le monde amateur, auquel « [il] doi[t] beaucoup » en continuant, entouré d'adjoints, à diriger l'EMCN et l'ensemble musical de la Moder. L'aboutissement d'une progression fulgurante, mais méritée. « Il y a deux ans, se souvient-il, j'avais déjà invité l'orchestre de la Police à Niederbronn. J'étais loin de penser que je le dirigerais deux ans plus tard. J'avais pris l'habitude de m'entendre dire : "Vous êtes doué, mais vous êtes un peu jeune". » Ce temps-là est sans doute définitivement derrière lui.